« Hanae ! Hanae ! Hanae ! Regarde comme c’est joli toutes ces fleurs ! »
Il n’a jamais compris pourquoi sa mère continuait à l’appeler par ce prénom. Il préférait son nom chinois. D’ailleurs, pourquoi sa mère – Chinoise – se satisfaisait à l’appeler « Hanae » ? Son faux prénom… Le prénom qu’on a juste ajouter pour qu’ils se fondent dans le quotidien coréen… Mais qui n’a jamais satisfait personne à part elle. En dehors d’elle, tout le monde l’appeler Mu. Et c’était très bien ainsi… Il ne comprenait pas pourquoi sa mère s’entêtait à ce qu’il devienne Coréen. Il ne l’a jamais été et ne le sera jamais.
Même dans le coma.
Car oui, Mu est dans un profond sommeil. Il entend les voix, il entend les gens autour de lui… Mais il n’arrive pas ouvrir les yeux. C’est comme si ces paupières pesaient des tonnes. Tout comme le reste de son corps. Il se sent lourd. Tellement lourd qui coule… Où ? Il ne saurait le dire, mais il coule profondément dans un océan de noirceur. Autour de lui, il n’y a rien. Rien que le bruit « du monde d’en haut », comme il l’appelle. Mu a envie de les rejoindre… Mais il ne peut pas… il continue de couler toujours plus loin. Il ne reviendra jamais dans le Monde d’En-Haut. Il le sait. Il l’a compris. Et pourtant, il ne cesse d’espérer, comme un enfant.
Il n’arrive même plus à se souvenir pourquoi il est là, sur ce lit, à ne plus pouvoir bouger. Une tentative de suicide ? Non. Il n’était vraiment pas ce type de personne. Il était heureux dans sa vie quotidienne. Peut-être même qu’il était un peu idiot et simplet sur les bords… Non, il n’avait pas pu tenter de se suicider. Tentative de meurtre ? Non plus. C’était le genre de chose que l’on voyait uniquement dans les films à ses yeux. C’était impossible que cela lui soit arrivé… En fait, la seule possibilité était un accident… Mais il n’avait aucune envie d’approfondir ses réflexions. Après tout, peu importait. Il était là et rien ne pourrait y changer.
Il entend sa mère parler des fleurs… Alors qu’elle savait très bien qu’il n’aimait pas les fleurs. Mais depuis quelques temps, elle n’est plus très imaginative pour faire la conversation… Les sujets s’épuisent un par un. C’est vrai que c’est une conversation à sens unique. Mais Mu peut aussi entendre une autre voix. Une voix nouvelle…
« Non, ne viens pas Haeji ! Reste de l’autre côté du rideau ! Tu ne dois pas le voir ! »
Pourquoi ? Pourquoi sa mère empêcher cette personne de le voir… Était-il si horrible que cela ? Oui… Après tout cela faisait bien deux ans qu’il était dans ce lit. Il devait avoir une sale mine. Mais… Il voulait rencontrer un peu quelqu’un de nouveau, autres que sa mère, le médecin et les infirmiers. Il entendit à nouveau la voix du petit nouveau. Elle était belle. Elle était douce. Qui était-il ? Il n’en avait aucune idée.
Les journées passèrent. Puis les semaines. Jamais « Haeji » n’eut le droit de franchir les rideaux. Pourtant, parfois, il venait seul… Oui, sans sa mère ni personne. Et il lui racontait des histoires. Pleins d’histoires en tout genre. Est-ce étrange d’avoir un ami auquel on a jamais parlé ? Que l’on a jamais vu ? Oui… c’est certainement étrange… Mais peut importait dans l’état qu’il se trouvait. Il était heureux qu’Haeji lui tienne compagnie malgré tout. Il considérait Haeji comme son ami. Il aimait entendre sa voix. Il lui tenait compagnie. Presque tous les jours… Mu aurait tant aimer voir à quoi ce dernier ressembler ! Ou juste pouvoir le serrer fort, très fort dans ses bras… Ou mieux, lui murmurer un petit merci…
Et un beau jour, il entendit la voix de sa mère. Son timbre tremblait. Elle… pleurait ? Elle lui expliquait qu’elle s’était remarié… Qu’elle n’était donc plus seule et qu’elle avait trouvé un gentil mari qui avait déjà un fils. Ce fils, c’était Haeji. Donc… il avait un grand frère ? En entendant tout cela, il avait l’impression que les morceaux du puzzle se rassemblaient un à un. A travers les récits que lui contaient sa mère et Haeji, il commençait à rêver d’être à leur côté. Oui, lui aussi voulait rejoindre sa nouvelle famille. Il voulait pouvoir se réveiller… C’est seulement à partir de ce moment qu’il commença à vraiment être frustré de sa situation. Il voulait vivre. Désespérément. Mais il ne cessait de couler…
Nam Hanae Mu, né Chung Mu, est mort un jour d’été. Pendant les vacances scolaires. Il ne s’est jamais réveillé. Son cœur s’est simplement arrêté de battre un jour… Malgré les tentatives de réanimations, il ne vécut pas plus longtemps. Oui, il est mort sans avoir l’occasion de rencontrer son beau-père. Ni vraiment son nouveau frère… En réalité, la première fois qu’il les vu, c’était à son enterrement. Sous forme de fantômes.
C’est étrange de se dire qu’on est plus dans le même monde que les personnes qui nous pleurent. Mu a pleurer avec eux. Sans que personne ne le voit. Il se sentait seul. Encore plus que lorsqu’il était dans le comma. Haeji ne lui parlait même plus. Alors Mu a commencé à l’observer de loin… Il était beau son frère. Il aurait bien aimé pouvoir le remercier pour toutes les histoires qu’il lui a lu. Mais il ne pouvait rien faire… IL NE POUVAIT RIEN FAIRE ! MERDE ! C’était encore pire qu’être dans le comma !
Il ne savait pas quoi faire. Il était paumé. La seule chose qu’il pouvait faire… c’est suivre Haeji. Comme son ombre. Il trouvait presque ça amusant. Il pouvait enfin commencer à connaître son frère. Même si ce n’était pas de la manière qu’il aurait voulu. Il l’appréciait plus que tout. C’était devenu la seule chose/personne qui comptait pour lui désormais… Puis.. un jour, brusquement… Haeji se retourna vers lui, le regarda droit dans les yeux… et lâcha d’un coup :
« Tu pourrais pas arrêté de me suivre ?! T’es chiant le fantôme ! T’abandonnes donc jamais ?! Vas-t-en ! Va faire chier quelqu’un d’autres, merde ! »
Mu resta sur le cul. Haeji… le… voyait ?!
Depuis tout ce temps ? Pourquoi ? Comment ? Et surtout pourquoi il l’avait ignoré pendant si longtemps ! Car… en tout, cela faisait deux mois qu’il le suivait à la trace. Les seuls moments où il le quittait, c’était quand il allait « recharger ses batteries » à Segye. Pourquoi Hae Ji n’avait pas donné le moindre signe qu’il l’avait vu ?!
« Euh… Je suis Mu… »
Hae Ji le regardait, comme s’il ne comprenait pas… Alors Mu capta ce qu’il se passait. Sa mère ne l’avait certainement pas désigné comme étant « Mu » fasse à son frère… mais comme étant…
« Hanae ! Je suis Hanae ! »
Le visage de son frère s’éclaira comme par magie.
Le reste de l’histoire est moins passionnant, je vous l’accorde. Ils ont commencé tout doucement à réellement se connaître… Mais très vite, ils se sont retrouvés inséparables. Mu… avait la désespérante habitude de coller son grand frère. Pire qu’un chien chien à son maître. Mais par miracle, cela ne semblait aucunement déranger ce dernier… Ensuite, les jours ont passé, passé… Jusqu’à un fameux matin où Haeji a voulu passer l’examen d’entrée pour Yulyeong… Mu l’a accompagné… et il fut étonné de voir que dans la salle, autant de monde le voyait… Mais un autre fantôme qui traînait par là lui a très vite expliqué comment fonctionnait l’académie…
Mu était émerveillé. Un tel endroit existait donc ?! Cela voulait dire… cela voulait dire que dans cette académie, il pourrait rester tout le temps avec son frère, non ?! Il n’osa pas demandé à Haeji d’intégrer cette fameuse école… Après tout, c’était son frère qui devait choisir son destin, il n’avait pas le droit d’être égoïste alors que ce dernier le supportait déjà vingt-quatre heures sur vingt-quatre… Néanmoins, il fut tellement heureux que ce dernier choisisse d’y entrer ! Voilà comme Mu a débarqué à l’académie. C’était il y a trois ans.